lundi 5 octobre 2009

Conclure le Doha Round: cela en vaut le coup !

Il y a quelques mois beaucoup d’observateurs s’inquiétaient du risque de protectionnisme. Aujourd’hui il apparaît que le commerce mondial reprend doucement et que le recours au protectionnisme n’a finalement pas eu lieu, pour autant de façon significative. Faut-il alors soutenir une conclusion du Doha Round, round de négociations commerciales multilatérales organisé par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et qui impliquerait une nouvelle libéralisation multilatérale du commerce ? Nombreux sont ceux qui répondent par la négative, en se basant sur (au moins) deux affirmations que nous voudrions critiquer ici.
La première est que la libéralisation commerciale multilatérale est compliquée, car elle se fait entre plus de 150 membres qui ont du mal à comprendre les véritables bénéfices qu’ils pourraient obtenir de ce processus. Mieux vaut donc organiser la libéralisation commerciale sur une base régionale ou bilatérale. On obtiendra le même résultat, mais beaucoup plus facilement.
Si on ne peut que constater que la libéralisation multilatérale (chacun des 153 membres de l’OMC s’ouvre à tous les autres partenaires de la même façon) est compliquée, il est faux de dire que la libéralisation régionale en est un bon substitut.
D’abord les unions douanières ou zones de libre-échange ont un coût direct, lié au fait qu’un pays qui y participe n’applique plus le même droit de douane à tous ses fournisseurs potentiels.
Ensuite ces accords ont un coût dynamique lié à la création d’un accès préférentiel. Dès que vous créez une préférence, il est difficile pour celui qui en bénéficie, d’admettre qu’on va lui retirer. Il y a aussi un coût caché, lié à la multiplication des accords commerciaux discriminatoires et aux réglementations attachées pour que ces accords fonctionnent correctement. Par exemple il y a dans chaque préférence commerciale des règles d’origine qui dictent sous quelles conditions un pays bénéficiant de la préférence peut déclarer qu’un produit qu’il exporte vers le pays donneur est bien « d’origine ». Il y a enfin un risque de multiplication de zones de libre-échange ou d’union douanières adoptées pour des raisons liées à la géopolitique et non aux intérêts économiques mutuels, voire à des pressions liées a la différence de taille économique des pays partenaires.
Bref ne croyons surtout pas que les zones de libre-échange ou unions douanières soient la panacée, ou un substitut presque parfait à la libéralisation commerciale multilatérale.
La deuxième affirmation tient au scepticisme qui entoure le Doha Round : celui-ci n’amènerait que de faibles bénéfices pour l’économie mondiale.
Il est vrai que des études récentes ont conclu à des gains relativement modestes si un tel accord était signé. Les économistes ont certainement sous-estimé les gains liés à la conclusion d’un tel accord.
Un droit consolidé est le droit maximum qu’un pays membre de l’OMC peut appliquer sur ses importations en provenance de tout autre membre de l’organisation. Les négociations commerciales multilatérales portent sur une réduction de ces droits de douane consolidés ou recherchent une consolidation de tarifs jusqu’ici non consolidés. Or ce processus a au moins deux vertus.
D’abord imaginons qu’une guerre protectionniste ait lieu (il est inutile de préciser que les événements récents ont rendu réaliste cette perspective). La consolidation des droits de douane diminuera les conséquences négatives, en termes de commerce mais aussi d’activité économique, de cet événement. Ainsi des calculs récents ont montré que si aujourd’hui on augmentait les droits de douane dans le monde à leur niveau maximum (consolidé) on obtiendrait quasiment un doublement de la protection mondiale et à terme une réduction du commerce de l’ordre de 1900 milliards de dollars. Si un Doha Round était finalement conclu et que la même guerre protectionniste survenait, l’augmentation de la protection mondiale ne serait que de 41% (du fait de la nouvelle réduction négociée des droits de douane consolidés) et la réduction du commerce mondial « ne serait que» de 1100 milliards de dollars. Le gain à signer cet accord est donc conséquent.
Mais il y a un autre bénéfice lié aux droits consolidés, et celui-ci vient de l’incertitude entourant les politiques commerciales futures. Si on réduit ce droit consolidé, cela ne peut que favoriser le développement d’infrastructures de commerce, de réseaux de commercialisation, donc le commerce actuel dans un sens positif. Des études empiriques en cours tendent à montrer que cette relation est positive et forte.
La consolidation des droits de douane a des niveaux plus faibles est donc une politique doublement bénéfique. Dans la situation économique actuelle nous aurions tort de négliger cet argument favorable à de nouvelles libéralisations sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce.